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Un centre d’appels en prison

Interview de Véra jolibois responsable du centre d'appel de la prison de Nantes
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À Nantes il existe un centre d’appels que vous n’imaginiez pas ! Nos métiers sont très ouverts aux reconversions professionnelles, et certaines d’entre elles ont lieu à Nantes, derrière les murs du centre pénitentiaire. Nous avons été à la rencontre de Véra Jolibois qui nous fait découvrir son Centre d’Appels.

Vera, explique-nous en quelques mots ton travail.

Depuis 2008, je suis responsable d’un centre d’appels au cœur du Centre de Détention de Nantes pour le Ministère de la Justice et plus précisément pour l’ATIGIP (Agence du Travail d’intérêt général et de l’Insertion professionnelle).
Nous employons actuellement 8 Téléopérateurs et serons bientôt dans la capacité d’en former 10.

C’est quoi l’« ATIGIP » exactement ?

C’est une agence nationale qui est rattachée au Ministère de La Justice et qui a pour vocation de lutter contre la récidive en travaillant sur 3 axes :

– Le développement des peines sans enfermement, que l’on appelle les TIG (travaux d’intérêts généraux)

– Développer le travail et la formation à l’intérieur des prisons

– Accompagner l’insertion à la sortie de prison.

Moi j’interviens donc sur le 2ème point. Vous pouvez en savoir plus en visitant le site: https://www.travail-prison.fr/

Logo de l'atigip

Quelle est l’activité exacte du Centre d’Appels ?

Nous sommes un centre d’appels qui fait de la téléprospection, de la détection de projets, des enquêtes et des sondages en appel sortant.. 

Nous travaillons avec  différents types de clients pour former les téléopérateurs à tout type d’appels, tels ceux  qu’ils pourraient rencontrer sur les plateaux extérieurs: Des clients au profil TPE/PME,  des business developper  qui souhaitent une action commerciale rapide et de proximité, des entreprises qui souhaitent faire une évaluation de qualité de leurs services, des enquêtes de consommation  mais aussi clients institutionnels comme des CCI / CMA.

Tu nous as expliqué que les ateliers en prison pouvaient être privés comme publics. Quelle est la différence entre les ateliers privés et ceux publics, notamment sur le sujet de la réinsertion ?

Il n’y a pas une énorme différence dans la mesure où l’établissement pénitentiaire qui nous accueille nous traite à égalité. Nous avons donc les mêmes charges et la même nécessité d’équilibrer financièrement notre activité. Penser que les ateliers privés « exploitent » les détenus serait faux. Le travail en prison est très difficile à organiser, je ne connais pas d’entrepreneur qui ait fait fortune grâce au travail pénitentiaire. Le travail pénitentiaire se doit d’être un engagement sociétal sans équivoque. C’est pourquoi l’agence a créé le Label « PePs »  – Produit en Prison. S – qui vise à reconnaître les entreprises qui font réaliser leur produit dans des conditions éthiques et responsables, notamment pour améliorer la rémunération et les droits sociaux:  http: //tig-insertion-pro. fr/label-peps/ 

L’avantage des ateliers ATIGIP est qu’ils bénéficient souvent des commandes publiques de l’État, ce qui permet d’assurer un fonctionnement plus serein et laisser plus de temps à l’accompagnement et la formation des détenus. Cela permet aussi de mettre en place des activités plus novatrices comme notre Centre d’Appel à Nantes, en se donnant le temps d’arriver à maturité sans la pression du résultat financier. 

Comment sont recrutés les détenus qui intègrent l’atelier de Nantes ?

Le travail est basé sur le volontariat, avec une liste d’attente des demandeurs de travail. 

Tous les mois, il y a une « Commission de Classement » de l’établissement pénitentiaire, les personnes souhaitant travailler s’y inscrivent. C’est cette commission qui donne l’autorisation définitive, au regard du dossier confidentiel du candidat, notamment son comportement en détention.  Lorsque nous avons besoin d’un opérateur, nous pouvons recevoir les personnes “classées” par cette commission de classement. Comme à l’extérieur,  je les reçois en entretien, et si cet entretien est positif, il sera intégré au centre d’appels. Ils suivent une formation initiale de 15 jours, et signent ensuite un CDI avec une période d’essai de 30 jours renouvelables 1 fois.

S’agit-il exclusivement d’hommes ?

Oui, les prisons en France ne sont pas mixtes. A Nantes, c’est un Centre de Détention pour hommes. Sur certains sites, le centre de détention des hommes et celui des femmes sont dans la même enceinte, et la zone de travail est commune. Les premiers ateliers de travail et de formation mixtes commencent à être créés depuis peu, comme à Marseille par exemple.

Est-ce que cette activité nécessite la présence d’un surveillant ?

Non. Notre environnement de travail ressemble à un environnement tertiaire classique, sans présence permanente de surveillants. Ils ne sont pas très loin et passent nous voir dans la journée, nous échangeons avec eux afin d’être au courant des problèmes qui pourraient avoir un impact sur le travail. Le plus important au quotidien est de maintenir une ambiance professionnelle et apaisée.

Comment ces détenus sont-ils formés, accompagnés, suivis ?

La formation est réalisée en interne. J’ai besoin d’une montée en compétence rapide, je  réalise donc  un accompagnement individuel.

Quelle est ta journée ou ta semaine-type ?

Le matin, les téléopérateurs ont leur petit moment “café tranquille” avant de commencer, ce qui me permets d’organiser la planification de la journée. Lorsque les opérateurs commencent leur travail, je suis en quasi-permanence en mode ‘écoute’.. La journée se termine à 16h00 pour les téléopérateurs. C’est alors le moment de réaliser les extractions et reportings à nos clients, qui n’ont pas d’accès direct aux outils puisque les postes des téléopérateurs et notre système n’est pas directement relié à internet. 

Quel niveau de rémunération ont les détenus ? Et combien d’heures travaillent-ils?

C’est très disparate d’une prison à l’autre. A Nantes, les détenus travaillent 34h/semaine et sont rémunérés entre 5.18€ (le minimum légal en prison) et 8.70€ / heure. Le minimum est de 45% du SMIC.  Une partie de leur rémunération est mise de côté pour leur sortie, une autre est prélevée pour payer l’indemnisation qu’ils doivent à la partie civile, et le reste leur permet de « vivre » en prison en s’achetant un peu à manger, des habits, des affaires de sport, payer les lessives, etc…

Quels sont les donneurs d’ordre et comment allez-vous chercher de nouveaux partenariats ?

Nous travaillons pour 1/3 pour notre propre service commercial. Nous avons en effet 50 ateliers de travail dans des secteurs d’activités variés (façonnage, confection, menuiserie, métallerie, numérique..) qui font travailler en moyenne 1500 opérateurs détenus, et il faut donc régulièrement trouver du travail pour ces ateliers. Pour les 2/3 restants, c’est souvent par bouche à oreille, ou sur des petites actions commerciales ponctuelles comme dernièrement en allant au salon de la relation client à Nantes. Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux partenaires.

Quel est votre positionnement tarifaire ?

Nous sommes attentifs à rester dans les prix du marché afin de ne pas être perçu comme de la concurrence déloyale. De plus, s’il est vrai que la rémunération est moindre en comparaison à celle de salariés classiques, la productivité est également  inférieure de par l’environnement et l’accompagnement important pour arriver à être qualitatif dans nos prestations.

Est-ce que vous avez des contraintes spécifiques pour la signature des contrats ?

Nous sommes une entreprise publique qui fonctionne avec des relations clients-fournisseurs normales. Chaque prestation fait l’objet d’un devis ou contrat préalable, sans démarche particulière.

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